1722
Naissance d'une faculté
Naissance d'une faculté


Bernard Pouffier
Louis II (le grand Condé,
alors Duc d’Enghien)
et son arrière-grand père
Henri II en 1638-1639
Bernard Pouffier
Louis II (le grand Condé,
alors Duc d’Enghien)
et son arrière-grand père
Henri II en 1638-1639
En ce temps-là, une ancienne capitale ducale se trouvait fort dépourvue. La malheureuse se désolait en effet de n’avoir ni évêché, ni Université. Pour le premier, il fallut attendre 1733 ; pour la seconde, l’heureux événement se produisit en 1722. De longue date, on préparait ce moment, et grâce à ses deux protecteurs, le Parlement de Bourgogne et le gouverneur de la province, le prince de Condé, la Ville de Dijon pouvait légitimement espérer. Mais la gestation avait été difficile ; et sans doute de mauvaises fées avaient-elles conspiré dans l’ombre car le Souverain n’autorisa finalement qu’une Faculté de droit. À sa naissance, la pauvre enfant paraissait donc un peu chétive. Quant aux autres disciplines, elles durent être prises en charge par une bonne marraine, l’Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Dijon.
Mais le pire était à venir quand, en 1793, les établissements d’enseignement supérieur durent fermer. À peine plus de soixante-dix ans après le début de l’aventure, tout semblait perdu. Heureusement, la parenthèse fut de courte durée. Dès 1808, notre héroïne reprenait vie avec la réouverture de la Faculté de droit. Et très vite cette dernière se trouva entourée d’une fratrie puisqu’en 1809 naquirent une Faculté des Sciences et en 1810 une Faculté des Lettres. Mais il fallut longtemps se contenter d’une École pratique de médecine et de pharmacie puisque la Faculté de médecine se fit attendre jusqu’en 1967. Tout alla d’ailleurs si vite que les nouvelles venues durent se satisfaire de logements de fortune, toujours situés dans le cœur historique de la ville.
Cependant, pendant une bonne moitié du XIXe siècle, ces Facultés eurent peu de succès (stagnation des effectifs, suppression de certaines chaires…). Tout changea dans les dernières décennies : Dijon se trouvait en plein essor démographique (grâce à la ligne PLM), et pour la IIIe République l’enseignement était une priorité. Le couronnement tant espéré advint en 1896 quand, grâce à une nouvelle loi, les différentes Facultés formèrent enfin une Université. Événement célébré comme il se devait par toutes sortes de festivités au début de 1897. Sur pareille lancée, on décida enfin d’offrir à la nouvelle Université des locaux dignes d’elle, dont le fleuron est la Faculté des Lettres (achevée en 1914).
Si les années 1900 avaient été favorables, il en alla autrement de l’entre-deux-guerres. En 1922, on s’apprêtait à célébrer le bicentenaire de notre héroïne quand le bruit se répandit que sa fin était proche. En effet, sur décision du Prince (le Ministère), un certain nombre d’Universités devaient disparaître l’année suivante. Et parmi elles, l’Université de Dijon. Comme dans les pires mélodrames, la malheureuse allait s’éteindre le jour de son anniversaire, ou presque. Heureusement, la résistance s’organisa.
En invitant en 1923 le Président de la République (Alexandre Millerand) à inaugurer des bâtiments qui, en principe, allaient être désaffectés, on obligea le Ministère à reculer. Mais ce n’était que partie remise, car en 1934 tout recommença : une nouvelle menace de fermeture, une belle résistance, et pour finir un nouveau sursis. En dépit de ces coups du sort, notre héroïne se dépensait sans compter : bonne mère, elle nourrissait maintenant ses étudiants et elle les abritait (la cité Maret ; le foyer des étudiantes) ; et elle accueillait de nombreux étrangers, venus parfois de très loin. Malgré tout, l’avenir restait incertain.
Pourtant, dans les premières années du XIXe siècle, notre héroïne commença à se lasser de sa solitude, si bien que, à la recherche de l’âme sœur, elle renoua avec sa voisine, l’Université de Besançon. Les retrouvailles allant bon train, on commença bientôt à parler de mariage. Mais c’était oublier qu’un célibat de plusieurs siècles laisse des traces. À des épousailles en bonne et due forme (une fusion), on préféra donc, en 2013, s’en tenir à des fiançailles (une structure fédérale).